C’est une décision qui fera date. Ce vendredi 22 mai, le tribunal de commerce de Paris vient de trancher le litige qui opposait le restaurateur parisien Stéphane Manigold à son assureur Axa. Cette dernière s’est vue ordonner par le président du tribunal d’honorer le contrat et de prendre en charge les pertes d’exploitation (pour 2,5 mois au lieu des 4 demandés). Un expert judiciaire va être nommé pour caler les détails.
En jeu, donc, la prise en charge par l’assureur Axa de la perte d’exploitation des établissements que possède Stéphane Manigold (Maison Rostang, Substance, Le Bistrot d’à Côté Flaubert et Contraste). Le montant est loin d’être ridicule, autour d’un million d’euros pour le seul Bistrot Flaubert, et le restaurateur demandait dans un premier temps une provision de 70 000 euros. Sauf que Axa, géant mondial de l’assurance, a senti le vent du boulet et, surtout, l’effet boule de neige. Pour se défendre, l’assurance n’y allait pas par quatre chemins. En gros, l’arrêté du 14 mars stipulait que les restaurants « ne peuvent plus accueillir du public », ce qui n’est pas la même chose que « les restaurants doivent fermer leurs portes ». Pour n’importe qui, la réalité est la même : un restaurant sans « public » ne peut ouvrir puisqu’il n’y a plus de « clients » ; sauf pour les assureurs chez lesquels la vérité se trouve toujours dans les interstices de l’interprétation, et que là, l’interstice pèse des milliards d’euros. Forcément, Axa avait fait appel aux meilleurs avocats de la place de Paris, ce qui faisait sourire certains restaurateurs en pensant au montant des honoraires pour défendre une telle cause. Cela n’a pas suffit et le tribunal a penché dans le sens de la raison et de la logique.
Reste désormais à voir l’effet domino sur cette décision historique qui pourrait bien bouleverser la situation économique de nombreux restaurateurs, et créer un nombre important de recours. La première réaction de Stéphane Manigold a été d’annoncer que la victoire était collective et qu’il rembourserait l’État (pour la prise en charge du chômage partiel) lorsque la décision du tribunal de commerce de Paris sera définitive.
À noter également la démarche d’Axa en début de semaine qui a appelé de nombreux restaurateurs pour leur proposer une prise en charge de leur perte d’exploitation à hauteur de 20% du chiffre d’affaires, avec un plafond limité aux quatre derniers mois d’activité. Avec une obligation pour les professionnels répondant affirmativement : l’impossibilité d’assigner l’assureur en justice. Une démarche qui en dit long sur l’état d’esprit d’Axa… Quelques heures après ce premier jugement, l’assureur Axa a annoncé qu’il interjetait appel.
Et si le président du tribunal de commerce avait donné raison à la compagnie d’assurance, est-ce à dire que l’arrêté du 14 mars n’obligeait pas les restaurants à fermer leurs portes ? Auraient-ils alors pu rouvrir leurs portes dès demain, samedi 23 mai ? Aujourd’hui, la question ne se pose (presque) plus.